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Actualités de l'ANDP

Jurisprudence : Focus sur 3 arrêts des 6 derniers mois

 Focus sur trois arrêts du dernier semestre intéressant les MJPM dans leur pratique

 

 1. Arrêt du 13 décembre 2017 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-18.437) : la demande de changement d’établissement de soins est un acte personnel grave pour lequel seul le tuteur ayant une mission de représentation pour les actes personnels a qualité pour saisir le juge des tutelles

Une personne en tutelle est hospitalisée dans un état de tétraplégie et complète dépendance. Ses parents saisissent le juge des tutelles d’une demande d’organisation des visites de la famille à l’hôpital et de changement d’établissement hospitalier.
Le juge des tutelles organise les visites de la famille et déclare la demande de changement d’établissement irrecevable.
La cour d’appel confirme la décision du juge des tutelles concernant les visites (dispositif mis en place conforme aux nécessités du service, préserve les liens familiaux, et n’empêche pas des demandes ponctuelles d’élargissement au juge) et déclare recevable la demande de changement d’établissement.

Solution de la Cour de cassation :
« Le juge des tutelles peut, en cas de difficulté, organiser les relations personnelles de la personne protégée avec tout tiers, parent ou non », et confirme la décision de la cour d’appel (appréciation souveraine des juges du fond sur les modalités d’organisation des visites).
« Le droit fondamental de la personne au libre choix de son établissement de santé (article L 1110-8 du code de la santé publique) inclut celui de changer d’établissement au cours de la prise en charge ; dans le cas d’un majeur représenté par son tuteur pour les actes relatifs à sa personne, ce droit est exercé par le tuteur ; si tout intéressé peut saisir le juge des tutelles d’une difficulté relative à la fixation du lieu de résidence de la personne protégée (sur le fondement de l’article 459-2 du code civil), seul le tuteur, auquel a été confié une mission de représentation du majeur pour les actes relatifs à sa personne, est recevable à saisir le juge des tutelles d’une demande relative à une décision ayant pour effet de portée gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne ou à l’intimité de sa vie privée (sur le fondement de l’article 459 alinéa 3 du code civil) […] Au regard de l’état de santé de M.X. son transfert dans un autre établissement de soins constituait un acte grave, au sens de l’article 459 alinéa 3, de sorte que seule la tutrice était recevable à présenter la requête ».

Portée : Cet arrêt vient préciser l’articulation de deux textes concernant la protection de la personne :
L’article 459-2 du code civil concerne le choix du lieu de résidence et les relations personnelles de la personne protégée. En cas de conflit tout intéressé a qualité pour saisir le juge des tutelles sur ce fondement.
Par conséquent les parents de la personne protégée pouvaient saisir le juge des tutelles pour organiser les modalités de visite de la personne.
L’article 459 du code civil concerne les actes personnels. Seul l’organe de protection ayant une mission pour les actes relatifs à la personne peut saisir le juge des tutelles sur ce fondement.
La Cour de cassation qualifie le choix du lieu de traitement de décision personnelle et, compte tenu de l’état de santé de M.X., elle qualifie le changement d’établissement de soins d’acte grave et le soumet ainsi à l’autorisation du juge des tutelles (article 459 alinéa 3 du code civil).
Par conséquent seule la tutrice ayant une mission de représentation pour les actes relatifs à sa personne pouvait saisir le juge des tutelles pour un changement d’établissement de soins, et la requête des parents est irrecevable.

 
2. Arrêt du 7 février 2018 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-10.818) : l’autorisation du juge des tutelles de verser des primes sur un contrat d’assurance-vie ne prive pas les créanciers d’invoquer, après le décès, leur caractère manifestement exagéré 

Une personne en tutelle est bénéficiaire de l’ASPA. Sa maison est vendue et le juge des tutelles autorise le MJPM à placer le prix de vente sur un contrat d’assurance vie. A son décès le capital est réparti entre ses enfants, bénéficiaires du contrat. La CARSAT sollicite la réintégration des primes d’assurance vie à l’actif successoral.
Les primes d’assurance-vie s’élevaient à 46.000 €, les ressources de la personne étaient inférieures à 591 € par mois et les sommes versées par la CARSAT au titre de l’ASPA s’élevaient à 50.606 €. 
Un des enfants conteste la demande de la CARSAT au motif que « lorsque la souscription d’un contrat d’assurance vie et les primes versées à ce titre ont fait l’objet d’une autorisation du juge des tutelles, qui les a estimées conformes aux intérêts du majeur protégé, ces primes ne peuvent jamais être considérées comme manifestement exagérées et souscrites en fraude des droits des créanciers ». 
  
Solution de la Cour de cassation : « L’autorisation donnée par le juge des tutelles à un tuteur de placer, sur un contrat d’assurance sur la vie, des capitaux revenant à un majeur protégé, ne prive pas les créanciers du droit qu’ils tiennent de l’article L 132-13 du code des assurances de revendiquer la réintégration, à l’actif de la succession, des primes versées par le souscripteur qui sont manifestement excessives au regard de ses facultés ». 
« L’autorisation du juge résulte de la nécessité d’assurer la gestion des ressources du majeur protégé en permettant au tuteur soit de procéder au placement des fonds (ouvrant ainsi à la CARSAT la possibilité de récupérer les sommes versées au titre de l’ASPA, après le décès, dans les conditions fixées à l’article L 815-13 du code de la sécurité sociale), soit d’affecter les fonds à l’entretien du majeur protégé, renonçant ainsi au bénéfice de cette allocation » et ne fait pas « obstacle à la demande de réintégration à l’actif successoral des primes manifestement excessives au regard des très faibles ressources de M.X. » 
 
Portée : En tutelle l’organe de protection et le juge des tutelles ont une mission de gestion du patrimoine de la personne dans son seul intérêt (article 496 du code civil). La souscription d’un contrat d’assurance-vie et le placement de fonds sur ce support permettent de constituer un capital à la personne ou de lui procurer une épargne pour y puiser des liquidités. Il s’agit donc d’un acte de gestion de patrimoine accompli dans l’intérêt de la personne.
S’il s’avère après le décès de la personne que les primes versées sont excessives au regard de ses facultés la loi permet aux créanciers de demander leur réintégration à l’actif de succession. Le droit commun s’applique, peu important que le placement ait été fait avec l’autorisation du juge des tutelles.

3. Arrêt du 10 janvier 2018 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-16010) : la curatelle renforcée est motivée par l’inaptitude de la personne à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale 

Une personne en curatelle renforcée conteste le renouvellement de sa mesure. 
La cour d’appel considère nécessaire que la personne continue à bénéficier d'une mesure de curatelle renforcée au motif qu’une sauvegarde de justice serait insuffisante, que la succession de sa mère est en cours et qu’elle est en conflit avec sa fille. 

Solution de la Cour de cassation : « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si l'intéressée était ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». 
 
Portée : Il s’agit d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cour de cassation 1ère chambre civile 12/02/2014 n° 13-12.482 et 29/02/2012 n° 10-28.822). 
La motivation juridique d’une curatelle simple est la nécessité pour la personne d’être assistée et contrôlée dans les actes de la vie civile : dans l’exercice de ses intérêts patrimoniaux et/ou dans les actes relatifs à sa personne. 
Pour prononcer une curatelle renforcée le juge doit également constater l’inaptitude de la personne à percevoir ses revenus et à d’en faire une utilisation normale.
D’où la nécessité, pour le MJPM qui sollicite une aggravation de mesure de curatelle simple en curatelle renforcée, ou un allègement de curatelle renforcée en curatelle simple, de motiver sa requête sur ce point : la personne a-t-elle besoin d’être représentée pour la perception de ses revenus et le règlement de ses dépenses ?